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RETOUR sur le site du procès de Bob Denard
  Extrait du livre « Les sodats libres » (Editions l’AEncre, 2002, ISBN 2-911202-50-3)


Comores 1

La première opération de Bob Denard aux Comores eut lieu en septembre 1975. Objectif : neutraliser Ahmed Abdallah, qui s'agitait un peu trop depuis le référendum du 6 juillet établissant l'indépendance de trois des quatre îles de l'archipel, et le remplacer par quelqu'un d'autre. Abdallah n'était pas en cour auprès du pouvoir français de l'époque, qui décida de miser sur un autre cheval : Ali Soilih, jeune et brillant ingénieur agronome, dont les idées et le dynamisme avaient séduit les cabinets ministériels parisiens.
Le 6 juillet 1975, l'Assemblée des Comores proclama l'indépendance. Elu président de la république le 8 juillet, Abdallah fut déposé moins d'un mois plus tard, le 3 août, par un Comité national révolutionnaire dirigé par Ali Soilih. L'aide d'une poignée de Français, commandés par Bob Denard, s'avéra déterminante pour asseoir le pouvoir d'Ali Soilih.
Ce fut le début de la saga Denard aux Comores. En quinze jours, avec quelques adjoints, il leva une troupe en Grande Comore et lui apprit... uniquement à défiler. C'est avec des armes sans cartouches [...] qu'il lança ses soldats à l'assaut d'Anjouan, île natale d'Ahmed Abdallah. Opération sans bavure. A Paris, « on » était satisfait.

[…]

Alors qu'aux Comores celui qu'on appelait maintenant « le fou de Moroni », Ali Soilih, multipliant les références à Pol Pot, était en plein dérapage, Bob Denard quitta le pays, en promettant, c'était devenu une habitude, de revenir. Une fois de plus, il tint parole.

[…]

Comores 2 - Douze ans de règne

[…] A Moroni, Ali Soilih s'enfonçait de plus en plus dans le « socialisme scientifique ». L'alcool et le chanvre aidant, il sombra dans la folie. Rompant avec la France, il engagea le processus qui allait le conduire à sa perte.

Les archives furent détruites, tous les partis, groupements et associations à caractère politique dissous, l'âge de la majorité abaissé à 14 ans. Dans cet archipel profondément musulman, Soilih commit l'erreur de faire fermer les mosquées le vendredi. En butte à l'hostilité de plus en plus marquée des notables comoriens, il s'appuya sur les lycéens et forma avec eux les terribles commandos Moissi qui semèrent la terreur et la désolation. Fin 1977, le massacre d'Iconi, perpétré par les Moissi, décida - enfin - les autorités françaises à faire quelque chose, sans toutefois aller jusqu'à s'impliquer directement : le courage n'est plus, depuis longtemps, la vertu des gouvernements occidentaux. C'est Denard qui s'en chargea, bénéficiant d'un « feu orange », ce qui signifiait qu'il serait couvert s'il réussissait et enfoncé s'il échouait. La routine.

– Alors, Président, voilà ce qu’il en coûte d’oublier de tenir sa parole avec ses amis.
A l'aube du 13 mai 1978, Ali Soilih venait de cesser d’être Président de la république comorienne. Face à lui, le colonel Bob Denard avait magistralement réussi son coup de main. Le feu passa au vert.
Pour Bob Denard et sa quarantaine de volontaires, c’était la consécration d’une nouvelle aventure. Sous couvert d’une mission de recherche océanographique, ils venaient de passer 28 jours en mer à bord de l’Antinea, un chalutier acheté par le célèbre commandant Pierre Guillaume, depuis Las Palmas aux Canaries. Répartis en trois équipes sur des canots pneumatiques, ils avaient débarqué un peu plus tôt sur la grande plage d’Itsandra, à trois kilomètres au nord de Moroni. Pendant qu’une équipe fonçait vers le nord sur Voidjou pour neutraliser en douceur la Garde comorienne, Bob Denard montait vers la Présidence, laissant au passage quelques hommes s’emparer de l’Etat-major de Kandani. L’opération, rondement menée, les avaient rendus maîtres de la Grande Comore. Ils y restèrent près de douze ans.

[...] Bob Denard avait toutes les raisons d’en vouloir à l’homme qu'il avait aidé trois ans plus tôt à prendre le pouvoir et qui avait trahi sa confiance. Mais il se sentait aussi une part de responsabilité. Comme il le dit souvent, il voulait « régler sa dette envers le peuple comorien ». Comme pour refermer une parenthèse dans l’histoire des Comores, il venait rétablir Ahmed Abdallah et œuvrer pour le développement du pays.

Aux anciens Moissi et aux ministres déchus, qui avaient remplacé dans la prison les opposants au régime d’Ali Soilih, il lança :
– Vous avez fichu le pays par terre, vous l’avez sali. Vous allez le reconstruire, le nettoyer.
En dix jours, Moroni fut repeinte et présenta un visage nouveau. La chance, mais aussi le nettoyage du port, firent que, dès le lendemain du débarquement, un cargo chargé de riz et de farine arriva à Moroni et put y décharger sa cargaison. Le pays n’avait pas vu cela depuis des mois et le prestige du « colonel papa », ainsi que les Comoriens nommaient leur nouveau patron, était au zénith. Les Comoriens aiment les surnoms. Ils l’appelèrent vite Bako : le sage.

Bien que ses hommes avaient été accueillis en libérateurs, il savait que l’euphorie ne durerait pas. [...] Une fois l'opération réussie, la France souhaitait être plus ouvertement impliquée, ne serait-ce que pour acquérir des moyens de pression supplémentaires sur Abdallah. En août 1978, un accord fut trouvé. Bob céda à la France officielle les Forces Armées Comoriennes ainsi que la Gendarmerie et quitta l'uniforme.

Une partie de ses hommes restèrent. Pour assurer le développement de l’archipel, il fallait en garantir la stabilité. Ce fut le rôle de la G.P., la Garde Présidentielle. Encadrée par des « officiers servant à titre étranger », elle devint au fil du temps la seule force militaire crédible du pays. Les militaires sud-africains ne s’y trompèrent pas qui, à partir de septembre 1979, décidèrent de financer la G.P. en échange de l’installation sur place d’une station d’écoute destinée à l’acquisition du renseignement sur ce qui se passait au Mozambique. Trois ans plus tard, le ministère des affaires étrangères de Pretoria apporta un complément de budget, dans l’espoir d’une représentation diplomatique, qu’il n’obtint d'ailleurs jamais véritablement.

Ahmed Abdallah, ancien sénateur français, vieux routier de la politique, n'entendait pas se défaire de ses mercenaires. Lorsque le Tchadien Hissène Habré lui reprocha cette présence au cours d'une réunion de l'Organisation de l'Unité Africaine, il lui répondit :
– C'est vrai, et je peux vous les prêter si vous en avez besoin.
Ce n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Peu après, Bob Denard se mit en route pour le Tchad où, avec quelques adjoints, il étudia la création d'une Garde Présidentielle. Mais cette opération en télescopait une autre, montée de façon quasiment officielle par la France et confiée à René Le Grand, autre figure, moins médiatique, du mercenariat français, dont la réputation de sérieux et d'efficacité n'est plus à faire. Plus question de Denard au Tchad. Il se concentra à nouveau sur les Comores.

Et le guerrier se fit bâtisseur :
– J’ai beaucoup détruit dans ma vie, maintenant je veux construire.
Son rêve : faire des Comores « la Suisse de l'océan Indien ». Il avait des projets plein la tête. Contre vents et marées, il s’acharna à les réaliser jusqu’à ce que le gouvernement français, saisissant l’occasion de la mort accidentelle d’Ahmed Abdallah, ne vienne briser le rêve.

Avec ses cadres européens, Bob Denard créa un nouveau style de « mercenaires ». Ils ne venaient pas uniquement pour le « baroud » mais pour apporter et transmettre aux comoriens un savoir-faire technique. A la tête des unités de la G.P., de jeunes sous-officiers et officiers de réserve français s’attachaient à former un encadrement comorien. Ils étaient payés trois fois moins que les coopérants français officiels, mais prenaient leur travail à cœur. Parfois, pendant plusieurs mois, les « affaires étrangères » sud-africaines ayant « fermé le robinet », ils ne furent pas payés du tout, comme au début de 1987 :
– Les Sud-Africains n’ont pas encore versé le budget. Je ne peux plus vous payer pour l’instant. Ceux qui veulent partir peuvent se considérer comme déliés de leur contrat moral, déclara Denard à ses cadres. Et il ajouta, avec le sens de la formule qui l'a rendu célèbre :
– Vous serez riches, …en souvenirs !
Pas un ne partit. Certains jeunes sous-lieutenants fraîchement arrivés de France mirent six mois avant de toucher leur première solde... On est loin du mercenariat tel qu’il est souvent imaginé.

Au fil des années, la Garde Présidentielle se développa, jusqu'à devenir un véritable bataillon avec trois compagnies de combat. Le colonel Saïd Mustapha Mhadjou, nom comorien de Bob Denard, partagea alors son temps entre l'Afrique du Sud et les Comores.
Toujours vêtu en civil (chemise bleue et pantalon gris, la « tenue des officiers dans le civil » comme il le disait souvant lui-même), il n'avait cependant pas rangé son paquetage. Dans son bureau de Kandani, l'Etat-major de la G.P., il réunissait souvent ses officiers pour des longs rapports dont il a le secret. Son but était de faire en sorte que les Comoriens soient un jour capables de prendre en main leur destin.
En faisant former des sous-officiers comoriens, dont certains acquirent vite le niveau d'officiers, il créa une nouvelle élite. Souvent présent lors des cérémonies, il s'inclinait longuement devant le drapeau puis s'adressait à la troupe dans un langage simple et direct.

Bob Denard fit aussi venir des chefs de chantiers pour les travaux qu’il voulait réaliser, et des fermiers pour créer à Sangani une ferme pilote destinée à prouver aux Comoriens qu’ils pouvaient acquérir leur autosuffisance alimentaire. Troquant la Kalachnikov contre la pelle, les compagnies de la G.P. se succédèrent à Sangani pour y construire un impluvium, afin de régler les difficiles problèmes d’irrigation sur ce sol volcanique. Il n’y a en effet pas de cours d’eau en Grande Comore. Le pompage de la nappe phréatique apporte de l’eau dans les agglomérations côtières, mais en altitude la seule solution est le captage de l’eau de pluie.
Seule ressource possible et durable pour les Comores, le tourisme n’y existait presque pas. Bob Denard s’attacha donc à trouver des investisseurs pour construire des hôtels, qui ouvrirent leurs portes en 1988. Les Comores étaient parées pour la prospérité. C’est probablement cela qui ne lui fut pas pardonné par les affaires africaines de l’Elysée, dirigées alors par Jean-Christophe Mitterrand. Il est toujours plus facile de manipuler un pays lorsqu’il dépend pour se nourrir des oboles que lui verse la coopération française. [...]

La Garde Présidentielle, considérée comme anachronique, gênait d’autant plus que son évident succès contredisait les thèses politiquement correctes en vigueur sur le mercenariat. Il fallait s’en débarrasser. Agissant de concert avec les « affaires étrangères » sud-africaines, la France socialiste décida d’en finir. La mort du président Abdallah, tué accidentellement par son garde du corps comorien, le sergent-chef Jaffar, alors qu'il venait de signer l'ordre de désarmement des Forces Armées Comoriennes soupçonnées à juste titre de préparer un mauvais coup, précipita les événements. Les autorités françaises décidèrent de faire porter le chapeau à Denard.
L’opération Oside fut déclenchée, regroupant des forces considérables comparées à la poignée de « conseillers techniques » que l’on voulait déloger. Le 15 décembre 1989, la mort dans l’âme, Bob Denard se résolut à partir pour ne pas avoir à faire tirer sur des soldats français. Denard négocia âprement son départ, réclamant notamment un dédommagement, qui ne lui fut jamais versé, pour ses hommes.
Les hommes du 1er RPIMA prirent en compte la Garde Présidentielle. Ils furent très vite impressionnés par son niveau opérationnel et sa discipline. Bob Denard et ses officiers s'envolèrent à bord d'un Hercules C130 sud-africain, emportant le drapeau de la Garde, quelques souvenirs et l'immense regret de voir se terminer ainsi une si merveilleuse aventure.


Comores 3 - Le retour

Dès 1991, rien n’allait plus aux Comores. Grèves et manifestations se succédaient dans les trois îles. A plusieurs reprises, le président Djohar n'hésita pas à faire tirer sur la foule. Les îles d'Anjouan et de Mohéli hissèrent - déjà - le pavillon français pour marquer leur opposition au gouvernement fédéral, lequel ne gouvernait d'ailleurs plus rien. Apprenant la nouvelle, le président Djohar se contenta de déclarer qu'il s'en moquait !
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase et, le 3 août, la Cour suprême proclama son « empêchement définitif » pour « manque certain de lucidité dans la conduite de l'Etat », euphémisme désignant son inaptitude. Constitutionnellement, Djohar n'était plus président de la République fédérale islamique des Comores. [...]


La corruption qui gangrenait tous les rouages de l'Etat entraîna sa décomposition et provoqua la colère de nombreux comoriens qui se sentirent laissés pour compte. Le 26 septembre 1992, profitant d'un voyage en France de Saïd Mohamed Djohar, les fils de l'ancien président Ahmed Abdallah, aidés par une partie des anciens cadres comoriens de la G.P., tentèrent un coup d'état. Des affrontements sanglants eurent lieu jusqu'au 19 octobre, et la répression s'abattit férocement. Arrêtés, les meneurs furent jetés en prison au camp militaire de Kandani. Pendant de longs mois, ils subirent de nombreux sévices, sans jamais provoquer l'intervention des coopérants militaires français qui travaillaient à Kandani et passaient matin, midi et soir devant leurs cachots. C'est une intervention téléphonique de Bob Denard auprès du commandant Azali, chef des Forces comoriennes de défense, qui mit fin à cette situation intolérable :
– Si tu continues comme cela, je viendrai moi-même te couper les c....!".
[...]

Jusqu'en 1995, la situation ne fit qu'empirer. Des cas de famine furent signalés, la jeune république comorienne était au bord de l'éclatement. Aussi, lorsqu'au matin du 28 septembre 1995, la rumeur publique – « radio cocotier » – répandit la nouvelle du retour de Bob Denard, nombreux furent les Comoriens qui laissèrent éclater leur joie.

Une fois de plus, l'affaire fut rondement menée. Pendant neuf mois, le colonel Denard avait méticuleusement préparé l'opération Kashkazi. Son exécution fut un modèle du genre.
Le Vulcain, un ancien câblier rallongé de onze mètres en son milieu, anciennement appelé Telekabel, fut acheté tout à fait officiellement à l'administration des télécommunications norvégienne par un certain « Monsieur Martin », représentant la société Neptune, basée aux Iles Vierges britanniques.
Sous couvert d’une mission de recherche archéologique aux Philippines, Denard et sa trentaine de volontaires avaient passé plus d'un mois en mer depuis qu’ils avaient quitté Santa-Cruz de Ténériffe, aux Canaries.
Quelques jours après le départ de Ténériffe, au moment de mettre cap au sud après avoir navigué plein est en direction de Panama, « Monsieur Martin » rassembla les hommes pour les informer de la nature réelle de la mission. Plus aucun ne croyait à la « mission de sécurité » dans le cadre d’une « chasse au trésor » aux Philippines qui leur avait été annoncée avant l’opération. Bob Denard, comme à son habitude, leva le doute sans le lever totalement :
– Nous allons là où vous savez que nous allons...
Tout le monde avait compris qu’il s’agissait des Comores, mais Bob Denard n’avait pas prononcé le mot. Tout le monde avait compris aussi que, même sans « couverture » officielle, il était évident que la France était dans le coup.
L’entraînement commença. Ils étudièrent sur des maquettes la prise du camp militaire de Kandani et de la Présidence de M'rodjou.
Ils débarquèrent par une nuit claire, peu après minuit, à une dizaine de kilomètres au nord de Moroni. De là, ils fondirent sur leurs objectif sans être détectés.
La prise de Kandani, ancien camp de la G.P. que les mercenaires connaissaient particulièrement bien pour y avoir vécu, s'effectua sans tirer un coup de feu. En quelques secondes, le poste de police fut neutralisé. En moins d'une heure, les soldats comoriens furent rassemblés sur la place du rapport. Ils se rallièrent avec enthousiasme aux hommes de Bob Denard, parmi lesquels ils reconnurent tout de suite plusieurs de leurs anciens chefs.
Peu avant l'aube, des tirs nourris retentirent à la Présidence de M'rodjou. Ils étaient destinés à éteindre les réverbères qui éclairaient le site a giorno et leur intensité eut pour effet d'accélérer les négociations avec le coopérant militaire français en charge de la sécurité de la Présidence, qui ne tarda pas à en ouvrir les portes. Le président Djohar était dans sa chambre. Les volontaires de Bob Denard, sans violence, s'assurèrent de sa personne. A l'extérieur, la foule, alertée par le bruit, s'était rassemblée. Elle manifestait bruyamment sa joie et son hostilité à l'égard du président déchu. Celui-ci fut donc mis à l'abri à Kandani, ce qui conduisit plus tard une juge d'instruction parisienne à considérer qu'il avait été séquestré...
Dans la foulée, les prisonniers politiques furent libérés. Mais les vingt-neuf volontaires de Bob Denard n’étaient pas suffisamment nombreux pour traiter tous leurs objectifs simultanément. C'est ainsi que le commandant Azali parvint à leur échapper et trouva refuge à l'ambassade de France qui servit rapidement d'asile aux escrocs et aux personnalités les plus corrompues de l'ancien régime. Au siège de Radio Comores, une résistance de principe s'organisa, sous les ordres de coopérants militaires français qui avaient visiblement pour consigne de ne pas forcer leur talent. L'affaire se régla « à la comorienne » en milieu d'après-midi, Bob Denard ayant très clairement notifié aux Comoriens ralliés sa volonté de ne pas faire couler le sang.

Il n'avait fallu que quelques heures à Bob Denard pour faire tomber le régime Djohar. Le capitaine Combo, le plus haut gradé des prisonniers libérés, prit la parole à la radio et, au terme d'un discours ponctué par un tonitruant « Vive les Comores libres ! », constitua un Comité Militaire de Transition qui, trois jours après, remit officiellement le pouvoir à deux co-présidents civils. Mohamed Taki Abdoulkarim et Saïd Ali Kemal furent chargés d'organiser des élections libres sous contrôle de la communauté internationale. La situation semblait normalisée. La quasi-totalité des partis politiques comoriens manifesta sa satisfaction. Les îles d'Anjouan et de Mohéli, largement laissées pour compte par l'administration fédérale comorienne et qui avaient, à plusieurs reprises, fait état de leurs velléités séparatistes, se rallièrent au « putsch » avec enthousiasme. Tout le monde était content ; on aurait pu croire l'affaire terminée. C’était compter sans l’univers glauque qui, à Paris, autour de Michel Dupuch, régnait sur les « affaires africaines ».

Le 29 septembre, Alain Juppé, premier ministre français, déclarait qu'il n'y aurait pas d'intervention militaire française. Dans la nuit du 3 au 4 octobre, l'armée française lança une intervention en force : un millier d'hommes, pour éliminer ... vingt-neuf mercenaires qui avaient clairement fait savoir qu’en aucun cas ils seraient à l’origine d’un affrontement avec des soldats français. [...]

Les autorités françaises pouvaient-elles ignorer que Denard préparait une opération aux Comores ? Evidemment, non. Une telle opération n'a pas pu se préparer dans un secret absolu. A partir du moment où les services concernés en avaient connaissance, il suffisait de quelques coups de téléphone pour l'arrêter si elle ne plaisait pas. Si les autorités françaises ont laissé faire, c'est parce qu'elles y trouvaient leur compte. L'éviction définitive de Djohar, exilé - sans son accord - à la Réunion, est là pour en témoigner. La réalité apparaît avec une sinistre évidence : les autorités françaises ont laissé Denard faire le travail, puis ont tenté de s'en débarrasser. Seule la judicieuse occupation du terrain médiatique par Bob Denard a permis de contrecarrer ce funeste projet.

Une page de l'aventure Denard aux Comores est tournée, mais est-ce vraiment la dernière ? Déjà, en 1989, Bob Denard déclarait aux journalistes :
– Hier, on me demandait de partir, demain on me demandera de revenir.
A l’état-major de Kandani, sur le livre d'or des Forces comoriennes de défense, on pouvait lire cette phrase, inscrite par un mercenaire facétieux :
« A la prochaine ! »

 
Biographie de Bob DENARD